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"Marche et Rêve"

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"...Le temps est doux et humide, propice à la marche. Vers midi, un soleil d'abord timide puis franchement chaud, m'incite au rêve. Ma déambulation est enfin devenue telle que je l'aime. Après les premiers kilomètres, le corps exulte. J'avance sans effort, libéré de la pesanteur, pur esprit voyageur.

De temps à autre, la beauté sauvage et plate du paysage me ramène à la réalité. La vue porte loin. Herbe rase et arbres rares, le soleil dore avec application les pentes douces des collines. En fin de matinée, lorsqu'il commence à me brûler, je mets mon crâne à l'abri du soleil sous un chapeau de toile à large bord.

Et voilà que plus rien ne m'atteint. Mon corps, mes pieds, contents, se font oublier. Seul mon esprit plane sur la plaine. Je rêve debout en marchant... Dans cet effort quotidien, cette poussée imperceptible et forte vers un objectif si lointain, ces suées bienfaisantes, je m'élève vers le ciel, je me libère des chaînes de l'enfance, de la peur, de la raison reçue.

Je brise les fils dans lesquels la société m'a ligoté, je méprise fauteuils et canapés.

J'agis, je pense, je rêve, je marche, donc je vis.

Si la marche est propice à la rêverie, penser en marchant est plus aléatoire...

A tout moment, le marcheur est tiré de son recueillement, sollicité par mille petits évènements, ramené sur le chemin.

La marche est plus clémente pour le rêveur. A la différence de la réflexion, le songe peut s'interrompre et reprendre sans trop souffrir de la rupture du fil qui le portait..."

Extrait de "Longue marche" de Bernard OLLIVIER

© Phébus, Paris, 2001